A propos de l'auteure
Un grand merci à Aurélie Villoin, de la communauté Eduzen, pour cet article. Aurélie a eu son premier chien il y a 7 ans, et est assistant monitrice de club depuis 1 an. Passionnée par l’apprentissage, elle pratique l’OB, l’agility, le Hooper avec sa chienne. Elle a également fait beaucoup de recherche de victimes en forêt. C’est une propriétaire de chien impliquée, qui souhaite toujours améliorer sa compréhension et sa relation avec sa chienne ! C’est pourquoi elle partage avec nous aujourd’hui son expérience vis à vis des séances de jeux entre les chiens.
D'abord, une petite mise en situation.
Lors de balades il m’arrive régulièrement d’avoir à faire à des chiens qui veulent « jouer » avec ma chienne.
Pamina (ma berger allemand) vient d’être rattachée pour croiser le chien qui arrive en face quand celui-ci fonce droit sur elle. Son propriétaire me dit « il veut juste jouer, pas d’inquiétudes ». Le chien a l’air cool, je lâche ma chienne qui fonce à son tour vers le chien, ils se reniflent et se mettent à courir et à se poursuivre comme des dingues à grand renfort d’aboiement pendant un bon quart d’heure. Ils finissent par s’arrêter, épuisés. Le propriétaire du chien en face me dit « ils ont bien joué ». Je le salue et repart… un peu dubitative.
… Ma chienne a t’elle réellement joué ?
Mais qu'est-ce que le "jeu", en fait ?
Avant de répondre à la question, un petit point sur la définition du jeu. Même si elle fait débat parmi les spécialistes de l’éthologie, plusieurs « critères » semblent ressortir des différentes études.
Le jeu :
- est une activité volontaire qui dans sa forme sociale réclame l’assentiment des protagonistes (B. Sutton-Smith, 1971).
- peut servir à améliorer des comportements innés (C. Loizos, 1966 ; J. Prescott, 1984 ; R. Fagen, 1981 entre autres).
- permettrait l’acquisition de données nouvelles aussi bien environnementales que sociales (C. Guinet, 1991 ; S.T Skeate, 1985 entre autres).
Alors que la photo peut paraitre impressionnante, les 2 chiens sont pourtant bien en train de jouer.
Décomposons ensemble la situation !
1. Pamina était-elle volontaire pour jouer ?
➡️ Vu sa réaction lorsqu’elle a vu le chien (aboiements, grognements, crête), c’est peu probable. Elle est allée vers le chien et l’a poursuivi pour le chasser de son espace et non pour jouer. L’autre chien a réagi en fuyant. Ce que son propriétaire a pris pour une partie de jeu s’apparente en fait à une série de réactions de l’un et de l’autre.
2. Les chiens ont-il améliorés leurs comportements innés ?
➡️ Certainement pas, l’approche du chien sur Pamina était impolie et l’a forcée à réagir fort, la réaction finale de Pamina (foncer droit sur l’intrus en aboyant avec la crête et poursuite quand il a fuit) était disproportionnée, elle aurait dû s’arrêter dès que le chien s’est détourné).
3. Les chiens ont-ils acquis des données nouvelles sur leur environnement ?
➡️ Non, ils ne l’ont pas exploré.
…Des données sociales ?
➡️ Probablement pas puisque l’un et l’autre sont incapables de réagir aux signaux de l’autre…
Dans cette situation, les chiens n’ont rien appris, rien respectés. Ils se sont trouvés débordés par la situation et dans l’incapacité de réfléchir.
Comment faire alors du jeu ce qu'il est, à savoir un outil d'apprentissage ?
Le conseil n°1 d’Aurélie, notre propriétaire de chien aguerrie.
✅ Dans un premier temps vérifier que les protagonistes sont tous d’accord pour avoir des interactions.
💡 Pour cela, j’évite de lâcher Pamina au milieu d’un groupe de chien inconnu tant qu’elle émet des signaux d’excitation car elle est incapable de réfléchir dans ces moments là. Je la garde donc en longe et la lâche une fois qu’elle s’intéresse plus à son environnement qu’aux chiens du groupe. Je la laisse partager les odeurs avec les autres, s’approcher du moment qu’elle respecte les signaux des autres.
Le conseil n°2 d’Aurélie.
✅ Dans un deuxième temps, une fois les chiens lâchés, vérifier que tous sont d’accord avec les interactions en cours.
💡 Par exemple, il m’arrive fréquemment de rappeler voire rattacher ma chienne si je constate qu’elle « harcèle » d’autres chiens avec ses appels au jeu ou ses interactions. Elle apprend ainsi que le respect des autres et de leur signaux est primordial.
Le conseil n°3 d’Aurélie.
✅ Dans un troisième temps lorsque le jeu est lancé, vérifier qu’il y a des pauses et qu’il est équilibré. Un chien qui poursuit sans cesse ou qui est sans cesse poursuivi ne joue pas.
💡 Si le jeu n’en est plus un, j’y met fin en rappelant ma chienne.
Le conseil n°4 d’Aurélie.
✅ Enfin, vérifier que le chien est toujours en capacité de répondre correctement aux signaux envoyés par l’autre. Si l’un des protagonistes est obligé de « monter » dans les signaux, au-delà du danger potentiel de morsure, c’est que le jeu n’en ai plus un. La demande de « fin de partie » doit être respectée.
L'histoire de ma chienne Pamina, une Berger Allemand adoptée.
Pamina, la berger allemande d’Aurélie. Photo d’Amandine Prunier
Je conclurais cet article par l’expérience que j’ai eu avec Pamina. Lorsqu’elle est entrée dans ma vie à l’âge de 10 mois, elle était réactive et “harceleuse”. Je l’ai laissé jouer sans contrôle et cela a empiré. En revanche, quand j’ai commencé à lui demander le calme avant de la lâcher, à contrôler qu’elle ne gênait pas les autres, à privilégier les jeux calmes et surtout équilibrés, je me suis aperçue qu’elle communiquait de mieux en mieux et surtout qu’elle respectait les codes des autres.