La domestication du chien

La domestication du chien a eu lieu il y a des millénaires. Aujourd’hui, le chien vit dans nos foyers, nous le nourrissons et le soignons, et il représente, pour beaucoup, un membre à part entière de la famille. Mais comment le chien, canis lupus familiaris, est-il venu à entrer dans nos foyers ? Quelles sont ses origines, et en quoi diffère-t-il aujourd’hui de son ancêtre, le loup gris, canis lupus ?

Introduction de la domestication du chien

Dans l’épisode d’aujourd’hui, j’ai choisi d’aborder le sujet de la domestication. Cet épisode est la base d’une meilleure compréhension de l’espèce qu’est le chien, et comment, au fur-et-à-mesure des millénaires, il en est venu à être appelé “le meilleur ami de l’homme”. 

En France, 7,5 millions de chiens vivaient à nos côtés en 2021. Le chien vit aujourd’hui principalement dans nos foyers, nous le nourrissons et le soignons, et il représente, pour beaucoup, un membre à part entière de la famille.

Dans cet épisode, je vais faire de mon mieux pour vous expliquer le grand sujet qu’est la domestication. Nous verrons ensemble en quoi le chien descend du loup gris, ce qu’est la domestication, les indices de la domestication, quand, et où elle a probablement eu lieu, les causes probables de la domestication, et, pour finir, l’impact de la domestication sur la morphologie et le comportement du chien.

Je m’appelle Sophie Porta, c’est moi qui vais vous raconter l’histoire d’aujourd’hui, car oui il s’agit bien d’une Histoire… Tout d’abord, je suis éducatrice canin spécialisée en comportement. Mais avant de travailler sur le terrain avec les chiens, j’étais avant tout biologiste, spécialisée en Ethologie et Evolution. J’ai voulu, le temps de cet épisode, me replonger dans l’Histoire de l’évolution des espèces, et plus particulièrement celle du chien, une espèce qui m’a toujours particulièrement attirée. 

Je vous laisse donc découvrir cet épisode animé par mes grandes passions, et j’espère qu’il vous plaira autant que j’ai aimé le préparer.

Toutes les infos données dans cet épisode ont été sourcées pendant un travail de recherche. Il reflète les découvertes actuelles, cependant les articles sont nombreux et parfois contradictoires. Ces infos sont valables aujourd’hui en mars 2023, mais peut-être qu’elles ne le seront plus demain, telle est la Science. Alors j’espère que vous vous réjouirez, comme moi, des prochaines découvertes, qui, je l’espère, nous permettront un jour de résoudre le mystère de la domestication. Car oui, je me dois de vous le dire dès maintenant, il n’y aura pas de “réponse finale” dans cet épisode, simplement des indices, des hypothèses et des réflexions. Maintenant que c’est dit, passons aux découvertes…

Le loup gris canis lupus, ancêtre unique du chien canis lupus familiaris

Les scientifiques s’entendent aujourd’hui sur le fait que le chien, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a un ancêtre commun avec le loup gris d’Asie, canis lupus. Selon le Docteur Robert Wayne, biologiste spécialisé en canidés et généticien moléculaire à l’Université de Californie de Los Angeles, les chiens modernes ne diffèrent des loups gris que par 0,2 % de leur ADN. Ces analyses ont été réalisées sur l’ADN mitochondrial, c’est-à-dire celui transmis par la mère. A titre de comparaison, l’ADN mitochondrial du chien diffère de 4% de celui du coyote. Jusqu’à preuve du contraire, il est donc admis que le loup gris d’Asie est bien l’unique ancêtre du chien domestique.

Cependant, il n’est pas impossible que de multiples hybridations aient eu lieu avec d’autres espèces de canidés proches. En effet, le loup, le chacal, le coyote et le chien sont des espèces différentes mais qui peuvent se reproduire ensemble. Ainsi il pourrait y avoir d’infimes “traces” de coyote et de chacal dans l’évolution du loup jusqu’à nos chiens actuels.

Qu’est-ce que la domestication ?

Avant de nous intéresser à comment la domestication a eu lieu, je pense qu’il est important de définir ce qu’on appelle la domestication : c’est un processus visant à transformer une espèce sauvage en espèce soumise à une exploitation par l’homme, en vue de lui fournir des produits ou des services.

Je trouve que cette définition amène beaucoup de flou, car il en va de se demander à partir de quand on peut considérer une espèce comme étant domestiquée, le produit de la domestication (donc les produits ou les services fournis) n’étant pas forcément définis, comme on le verra lorsque l’on abordera les hypothèses concernant les indices et les causes de la domestication.

Mais on peut aussi considérer la domestication comme une absence de peur de l’Homme, ainsi la distance de fuite d’une espèce domestiquée face à l’homme serairt proche de 0.

L’histoire de l’Homme

Afin de comprendre la domestication, il faut aussi s’intéresser à l’Histoire de l’Homme que nous sommes aujourd’hui, homo sapiens. L‘apparition de l’Homo sapiens elle-même n’est pas très définie, selon les sources entre -400.000 et -200.000 ans! Au Paléolithique, la période la plus ancienne et la plus longue de l’histoire de l’Humanité, l’Homme est un chasseur cueilleur nomade. L’Homme se sédentarise il y a environ 10.000 ans, à la fin de la dernière période glaciaire, pendant le Néolithique, et développe progressivement l’agriculture, puis l’élevage.

Quels sont les indices de la domestication et leurs limites ?

Maintenant que le contexte est posé, voyons ensemble les premiers indices laissant supposer l’émergence de la domestication. Certains sont très mystérieux, et il est difficile d’interpréter ces éléments pour savoir s’ils ont vraiment un lien, ou non, avec la domestication.

Découvertes archéologiques

Pour comprendre comment les loups seraient devenus des chiens, il faut premièrement se pencher sur les découvertes archéologiques, malheureusement rare, éparses et souvent incomplètes. Je vais vous parler ici de certaines d’entre elles, dans l’ordre chronologique.

  • Des ossements parmi des restes de gibier (notamment mammouths), il y a 45.000 ans en Europe

Les analyses génétiques de ces ossements montrent que ces animaux ne sont ni des chiens modernes, ni des loups anciens ou actuels. Ce qui est étonnant, c’est que les chercheurs n’ont trouvé que peu de marques de dents de carnivores sur les os des mammouths, suggérant que les canidés gisants là aussi n’auraient pas pu accéder aux carcasses. Une probable explication serait que ces canidés auraient peut-être été domestiqués, ou apprivoisés. Cette hypothèse est notamment soutenue par Pat Shipman, anthropologue, cependant elle n’a pas été démontrée pour l’instant. 

  • Un crâne fossilisé d’un canidé, datant de 33.000 ans, découvert dans la grotte de Razboinichya, dans l’Altaï (sud de la Sibérie)

Ce crâne a été daté au radiocarbone, et serait vieux de 33.000 ans. Extraordinairement bien conservé, il a permis aux scientifiques de réaliser des mesures multiples du crâne, des dents et des mandibules, et des comparaisons avec différents autres spécimens. Il possède à la fois un museau ressemblant à celui d’un chien du Groenland et une dentition qui peut être comparée à celle du loup européen d’il y a 31 000 ans. Ce mélange de chien et de loup pourrait laisser penser que le canidé sibérien à qui appartenait le crâne a été au début du processus de domestication. La forme la plus proche s’avère être le chien domestique actuel du Groenland, c’est pourquoi les scientifiques ont conclu à un spécimen domestiqué. 

  • Un crâne fossilisé d’un canidé, datant de 32.000 ans, découvert dans les grottes du Goyet, en Belgique, en 2009

Ce crâne incomplet diverge des loups préhistoriques de façon superficielle, comme pour le crâne de Razboinichya. 

Le crâne de Goyet n’est associé à aucune présence humaine, mais pour les ossements de Razboïnichya, il pourrait y avoir eu des interactions avec les humains d’après certaines sources, mais je n’ai pas réussi à en savoir plus. Une étude plus récente, démontre que le chien de Goyet n’est pas un ancêtre direct du chien moderne, mais appartient plutôt à un groupe frère disparu. Ceci suggère que le crâne de Goyet remonte à une période précoce de domestication, sans descendants.

-> Ces deux découvertes iraient à l’encontre d’une hypothèse d’une domestication unique, dont nous parlerons un peu plus tard. Mais récemment, un scanner 3D aurait montré que ces crânes seraient en fait des crânes de loups, ce qui repousserait la date de la domestication. Ces découvertes sont donc toujours controversées.

  • Un os de mammouth glissé dans la gueule d’un canidé après sa mort, il y a 26.000 ans, en République tchèque

Trois crânes, plus larges et plus courts que ceux d’un loup, auraient été découverts sur ce site où plus de 4.000 ossements canins auraient été déterrés. Parmi ces 3 crânes, l’un portrait dans sa gueule un os de mammouth glissé post-mortem. Cette découverte montre que l’humain avait déjà un certain intérêt pour le loup ou toute forme dont il s’agit, notamment à travers ce qu’il semblerait être un rite funéraire avec une offrande à cet animal mort pendant son repas.

  • La première sépulture de chien ou de loup domestiqué, datant d’il y a 14.000 ans, découvert sur le site d’Oberkassel, en Allemagne

Ces ossements ont été découverts dans la tombe d’un homme et d’une femme, juste avant la Première guerre mondiale. L’animal gisait là avec 2 humains, ce qui suggère une proximité particulière avec l’humain. Les analyses morphologiques ont montré que la taille de la mandibule, l’os de la mâchoire, était plus petite que celle du loup de l’époque. Il manquait aussi 2 prémolaires ainsi que les alvéoles. Des recherches additionnelles dont les résultats ont été publiés en 2018 montrent qu’il y avait en réalité deux chiens, et que l’un des deux était un juvénile atteint d’une forme probable de l’actuelle maladie de Carré, très virulente et qui cause de de la fièvre, des diarrhées et de la léthargie. Il aurait survécu ainsi pendant plusieurs semaines, uniquement grâce à des soins donnés par l’humain qui aurait nettoyé et maintenu le chien au chaud. Cette découverte est très intéressante, car elle suggère que l’humain soignait déjà ses chiens à cette époque et avait déjà avec eux une relation particulière. Les scientifiques précisent aussi que durant cette période, le chien n’était d’aucune utilité pour l’Homme. Il n’y avait donc aucun autre bénéfice à le maintenir en vie, que sa compagnie. C’est grâce à cette découverte, notamment, que les scientifiques s’accordent aujourd’hui pour dire que la domestication a eu lieu il y a au moins 14.000 ans.

  • Et ensuite …

D’autres ossements ont été exhumés ailleurs dans le monde, notamment en Ukraine, et la taille des os du chien a brutalement commencé à diminuer il y a 15.000 ans, devenant nettement plus petits que ceux du loup, particulièrement en Asie du Sud-Est il y a 9000 ou 10.000 ans, quand la présence du chien domestique était devenue banale. 

Les chiens ont commencé à apparaître dans les peintures rupestres il y environ 8.000 à 9.000 ans, mais avant cette période ils n’étaient pas du tout représentés, ni les loups.

IL EST POURTANT DIFFICILE DE RETRACER L’ÉVOLUTION DU CHIEN DOMESTIQUE, POUR PLUSIEURS RAISONS : 

  • L’ADN découvert dans les ossements n’est pas toujours exploitable, car il n’est pas toujours en quantité suffisante ou parce qu’il est parfois très mal conservé. Avec la fossilisation, la majorité de l’ADN disparaît. Les conditions dans lesquelles les restes ont été stockés vont parfois permettre de réaliser de nombreuses analyses, notamment quand les restes ont été pris dans le Permafrost (les sols dont la température reste sous 0°C), alors que parfois on ne pourra rien en tirer. De plus, à chaque fois que l’on prélève de l’ADN dans un échantillon, par exemple dans des ossements, cette manipulation abîme l’échantillon de façon définitive. Il existe aujourd’hui d’autres méthodes pour analyser et comparer des échantillons, moins invasives, mais pas toujours réalisables selon le type d’échantillon.
  • Il est parfois difficile d’identifier si les restes retrouvés s’apparentent au loup ou à d’autres formes plus proches du chien actuel. Les découvertes sont très rares et souvent incomplètes, il est donc parfois difficile de les comparer aux références dont on dispose. 
  • En plus, les chiens et les loups, à l’état juvéniles, sont difficilement différentiables. 
  • Et puis, il semblerait que les différences morphologiques que l’on pourrait constater sur les ossements etc., seraient davantage en lien avec les populations et la pression de sélection exercée sur ces populations, qu’avec l’espèce en elle-même. Il est donc difficile de savoir si ces différences morphologiques sont le fruit de mutations, de sélection naturelle ou de sélection artificielle, et donc de la domestication.
  • A savoir aussi, pour compliquer encore un peu tout cela, que les différences morphologiques et génomiques n’évoluent pas au même rythme : les différences morphologiques et comportementales peuvent apparaître beaucoup plus rapidement qu’une variation dans l’ADN, comme le montre notamment l’expérience de Novossibirsk ; Depuis une soixante d’années, des renards sont domestiqués en Sibérie pour comprendre comment cet ancêtre des loups a évolué pour devenir un chien fidèle et aimant. Depuis plus de 60 générations, les scientifiques choisissent ainsi chaque année les renards les plus amicaux et les font se reproduire entre eux. La sélection porte uniquement sur la distance de fuite et la socialité de ces renards vis-à-vis de l’humain, cependant il en résulte également des changements morphologiques comme un changement de leur pigmentation, un museau plus court. Après quelques années à peine, les renards commençaient à remuer la queue comme des chiens quand des humains s’approchaient d’eux, et quelques générations plus tard, à lécher les mains des humains et à réclamer des caresses. Encore quelques générations plus tard, les renards ont commencé à supporter le regard droit dans les yeux. En 1975, un premier renard a eu une progéniture en vivant en compagnie d’une personne, puis a commencé à avoir une voix semblable à celle d’un chien qui aboyait. En cours de domestication, les renards ont commencé à avoir des taches en forme d’« étoiles », la queue et les oreilles se sont retroussés, et le museau a conservé des traits enfantins même à l’âge adulte. Pourtant il s”agit toujours de la même espèce ! Ce qui peut laisser penser qu’un apprivoisement du loup pourrait avoir eu lieu et même une forme de domestication, avant que des changements génétiques puissent être observables.

De nouvelles pistes intéressantes seront explorées dans les années à venir. Par exemple, on sait que quand deux espèces vivent ensemble, ils partagent certaines bactéries. Ainsi l’humain et le chien vivants dans le même foyer partagent certaines bactéries. A l’état vivant, si on séquence l’ADN ce chacun de ces individus, ils auraient chacun environ 99,9% de leur ADN propre. Mais si on laisse les ossements se dégrader, voire fossilier, la part de l’ADN qui n’appartient pas directement à l’individu, mais relative à son environnement, va augmenter. Ainsi on pourrait probablement savoir à partir de quelle période les loups ou les chiens, et les humains, ont commencé à partager leur charge bactérienne, et donc probablement à vivre ensemble.

Où a eu lieu la domestication ?

Maintenant que l’on y voit un petit peu plus clair sur le “quand ?”, nous pouvons nous interroger sur le “Où” a eu lieu la domestication. Ici encore, plusieurs hypothèses se contredisent.

Une étude publiée en juin 2022 (Bergström et al.), et donc très récente, et dans le très sérieux journal scientifique Nature, semble montrer que les chiens actuels sont globalement plus étroitement apparentés aux anciens loups d’Eurasie orientale qu’à ceux d’Eurasie occidentale, ce qui suggère un processus de domestication à l’est. Les chiens d’Eurasie et d’Asie du Sud-Est se seraient séparés il y a environ 7000 ans. Ces derniers auraient par la suite évolué de manière que leur nombre croissant leur aurait permis de remplacer les chiens d’origine occidentale à mesure que ceux-ci se dirigaient vers l’Est, à une époque où l’agriculture s’emparait des larges espaces.

Cette même étude a aussi montré que les chiens du Proche-Orient et d’Afrique dérivent jusqu’à la moitié de leur ascendance d’une population distincte apparentée aux loups modernes du sud-ouest de l’Eurasie. 

Il y a donc 2 hypothèses, toujours en cours de discussion :

  • Soit une seule domestication, potentiellement en Asie. Les chiens migrants d’Est en Ouest, ils se seraient ensuite hybridés avec des populations locales de loups au Moyen-Orient et en Europe.
  • Ou alors deux domestications indépendantes, une en Asie et une au Proche ou Moyen Orient, qui se seraient ensuite mélangées les unes aux autres au gré des migrations. Ces 2 domestications auraient eu lieu approximativement à la même période, soit il y a entre 20.000 et 40.000 ans.

Ces mêmes chercheurs ont également comparé le génome ancien de 72 espèces de loups qui vivaient en Europe, en Sibérie et en Amérique du Nord au cours des 100.000 dernières années, avec celui du chien actuel, afin de tenter d’identifier le “chaînon manquant”. Malheureusement les résultats ont montré qu’aucun des anciens génomes de loups analysés ne correspond directement à l’une ou l’autre des deux ascendances de chiens (ceux d’Eurasie orientale et ceux d’Eurasie occidentale), ce qui signifie que les populations à l’origine exacte des populations actuelles sont toujours inconnues.

Quelles sont les causes les plus probables concernant la domestication ?

Il existe plusieurs hypothèses concernant les causes de la domestication. Aucune de celles-ci n’a encore été définitivement prouvée. Il faut dire que cette domestication est plutôt originale, si on la compare à celle d’autres espèces comme le cheval ou les animaux de rente !

  • L’hypothèse du “commensalisme” comme hypothèse principale : commençal veut dire “qui prélève une partie de sa nourriture de son hôte”. Ainsi, les loups auraient suivi progressivement les chasseurs du paléolithique et se seraient fixés près des campements pour profiter de la possibilité de manger les restes alimentaires, comme de nombreuses espèces opportunistes. Le loup aurait trouvé de la nourriture facilement dans les restes des repas des hommes ainsi qu’une protection pour ses louveteaux, tandis que l’Homme aurait peut-être gagné en protection, en aide pour la chasse (les loups-chiens auraient pu retenir les proies comme les mammouths pendant que les hommes s’occupaient de tuer la bête). D’après Pat Shipman, l’Homo sapiens aurait utilisé les premiers chiens pour traquer et regrouper ses proies, ce qui aurait mené à l’extinction l’Homme de Néanderthal il y a 40.000 ans. Cependant, le rôle du loup dans la chasse auprès de l’Homme comme “raison initiale” de la domestication est controversé. Avec la présence du loup, l’Homme aurait aussi gagné en ressources, notamment avec l’utilisation des peaux des loups. Suite à cette cohabitation, les loups les moins craintifs et les plus dociles auraient été apprivoisés et sélectionnés artificiellement par l’Homme.
  • Des louvetaux, orphelins ou non, auraient été ramenés aux campements et recueillis par les humains. Les femmes auraient pris soin des louveteaux, les auraient peut-être même allaités. Cette hypothèse est intéressante car elle suggère que le chien aurait d’abord été un animal de compagnie, et ensuite seulement les hommes se seraient aperçus de son utilité pour la garde ou la chasse. 
  • Le syndrome de Williams Beuren : Des chercheurs américains de l’Oregon State University (OSU) ont identifié une variation de deux gènes chez les chiens et les loups domestiqués qui pourrait expliquer la grande sociabilité des chiens. L’hyper sociabilité est un élément important de la domestication du chien. La sélection pourrait avoir ciblé un ensemble unique de gènes permettant une divergence comportementale rapide entre chiens et loups, facilitant la coexistence avec les humains. Les généticiens ont déterminé que les chiens ont des marqueurs génétiques que l’on retrouve chez les personnes atteintes du syndrome de Williams-Beuren, un trouble caractérisé par des retards de développement et un comportement “hypersocial”. Des variations de ces mêmes gènes paraissent être à l’origine de l’hyper-sociabilité des chiens, ce qui constitue une piste intéressante concernant les hypothèses ayant mené à la domestication. Vous vous souvenez de l’expérience dont je vous ai parlé sur les renards de Novossibirsk ? Eh bien bizarrement, dans leur cas, les scientifiques ont trouvé cette région chez les renards “agressifs” (comprendre “contrôle”), et non chez les renards domestiqués … Dans les prochaines années, le génome d’anciens chiens-loups sera très probablement analysé pour voir si on retrouve déjà cette mutation dans leur ADN. Pour l’instant, les scientifiques pensent que cette mutation ne serait apparue que très récemment, avec la sélection effectuée sur les races de chiens, soit probablement dans les dernières centaines d’années. Cette mutation serait aussi probablement en lien avec la motivation du chien pour l’entraînement et la nourriture.

Quel est l’impact de la domestication sur la morphologie et le comportement du chien ?

La domestication du chien, ou devrais-je dire, du loup, a eu de nombreuses conséquences sur la morphologie, mais aussi sur le comportement des individus.

Si on se penche d’abord sur les différences morphologiques :

  • D’après les chercheurs, les premiers chiens ressemblaient à des louveteaux. L’anthropologue Darcy F. Morey a étudié la morphologie crânienne des canidés domestiques préhistoriques et est arrivé à la conclusion que le loup a donné naissance au chien domestique par un phénomène de pédomorphose, c’est-à-dire que les chiens présentent des caractéristiques morphologiques et comportementales du loup à l’état juvénile. Comme si le chien était une forme “larvaire” du loup ! Ces différences s’observent notamment dans le développement du chien, beaucoup moins précoce que celui du loup dans la période de socialisation Par exemple, chez le loup, la fenêtre de socialisation se fermerait à 3 semaines, alors qu’elle se fermerait vers 12 à 16 semaines chez le chien.

De plus, les chiens adultes jouent souvent encore, ce qui n’est pas – ou peu – le cas du loup ! Au cours de l’histoire de la domestication, différentes sous-espèces de loups seraient intervenues, et cette diversité pourrait expliquer partiellement le polymorphisme, donc la grande variabilité dans la morphologie des chiens. 

Comme je l’ai déjà dit un peu plus tôt, le loup, le chacal, le coyote et le chien sont des espèces différentes mais qui peuvent se reproduire ensemble. Ainsi il pourrait également y avoir des “traces” de coyote et de chacal dans l’évolution du loup jusqu’à nos chiens actuels.

  • Aujourd’hui les chiens sont plus petits que les loups, ils ont un crâne et un cerveau plus petit. Ils ont aussi moins de dents, un museau plus court, parfois avec un angle net entre le front et le museau, et des oreilles tombantes.
  • Au niveau digestif, les chiens produisent également beaucoup plus d’enzymes, ce qui leur permet de digérer l’amidon (et donc les sucres). Chez le chien, qui consommait traditionnellement les restes de nourriture humaine, aurait eu lieu une sélection des individus les plus capables à digérer l’amidon qui se retrouve dans une grande partie de notre alimentation (blé, pommes de terre, …).
  • Et si on regarde maintenant les différences comportementales : 
    • les loups sont plus méfiants que les chiens, meilleures capacité de résolution de problèmes, moins bonne compréhension des émotions de l’humain (tandis que les chiens nous regardent dans les yeux)
    • Différences au niveau du comportement social : Alors que les loups vivent en meute, c’est-à-dire en groupe familial organisé autour d’un couple dominant, et qui coopère pour la chasse et l’éducation des jeunes, les chiens qui vivent loin des hommes se regroupent en plusieurs couples d’origines différentes. Ils chassent peu et consomment surtout des charognes et des déchets de l’homme, et ne s’aident pas pour élever les chiots. 
    • Les chiens auraient également développé l’aboiement pour communiquer avec l’homme.

Conclusion de cet article sur la domestication du chien

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur la domestication, cependant j’espère avoir réussi à rassembler ici les informations principales dont nous disposons aujourd’hui pour mieux comprendre l’espèce actuelle avec laquelle nous cohabitons, nos chiens.

Vous aurez compris que l’Histoire de la domestication est loin d’être évidente, que parfois les “preuves” se contredisent, et qu’aucune hypothèse n’a clairement été vérifiée pour l’instant. Peut-être qu’un jour nous en saurons plus – ou pas, mais je trouve que tout cela rend les chiens encore plus fascinants !

Tout cela me donne envie de m’interroger encore davantage sur les différences génétiques et morphologiques entre les différentes races de chiens, et comment l’évolution et la sélection naturelle et artificielle nous ont amené à compter aujourd’hui autant de races de chiens différentes.

Je m’interroge aussi sur les différences génétiques et comportementales entre les différents chiens du monde, qu’il s’agisse des races ou des chiens ferraux que l’on trouve à de nombreux endroits du globe. Par exemple, pour être un peu plus précise, ici en France et en Suisse, de nombreux chiens des rues sont importés depuis l’Italie, la Roumanie, des îlesou d’autres pays. Pour fréquenter ces chiens dans mon quotidien d’éducatrice canin, j’ai l’impression de remarquer des différences physiques, mais aussi comportementales chez ces chiens, par rapport aux chiens d’élevage sélectionnés artificiellement par l’homme depuis des millénaires. 

Si vous trouvez ces questions aussi fascinantes que moi, je vous donne alors RDV d’ici quelques semaines pour un prochain épisode qui portera cette fois sur l’origine des races de chiens, et leurs différentes fonctions dans la société.

Si cet épisode vous a plu, je vous invite à le partager et à vous abonner à notre newsletter pour être informés des nouveaux épisodes. Je vous remercie pour votre écoute, et vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.


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